En oncologie, l'annonce de mauvaises nouvelles (AMN) fait partie de la réalité quasiquotidienne des praticiens. L'impact sur le patient, lors de la réception de cette mauvaise nouvelle, a été largement documenté et pensé, et ce, autant sur les plans psychologiques, qu'existentiels ou spirituels. Nous parlons généralement de trauma, d'un effondrement d'univers de sens qui provoque un bris dans le fil continu de son identité narrative, et le plongeant dans une temporalité pouvant s'apparenter à un kairos faisant irruption dans le chronos de son existence. Une revue de littérature nous permet toutefois de constater que la profondeur du vécu des médecins qui, de manière répétée, se trouve confrontés à ces éléments exceptionnels, demeure un impensé important. Les données recueillies ne nous permettent que de documenter la sphère plus superficielle du vécu de ces derniers, en termes d'émotions, de comportements et de techniques, surtout. Or, plusieurs éléments pointent vers la nécessité de conceptualiser et de fournir un bassin langagier aux possibles bouleversements existentiels, voire spirituels, vécus de manière répétée, chez ces cliniciens qui se trouvent face aux contingences de la condition humaine, au coeur de tragédies qui frappent leurs patients et desquelles ils se retrouvent les premiers messagers.